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du bout de l'île
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23 mars 2013

les femmes et le secret, suite ou comment de misogyne Jean de La Fontaine deviendrait-il précurseur... ou pas ?

 

Cartes anciennes de Germaine Bouret "Toto passe son temps à courir après les poules!" de Germaine Bouret

 

 

Lorsque j'ai créé ce blog, je souhaitais avant tout, permettre à mes amis d'accéder à mes albums photos et autres réalisations. Et puis je me suis rendu compte que tous les autres internautes francophones qui venaient y fureter étaient plutôt intéressés par mes commentaires sur la fable de Jean de La Fontaine.

Tiens? On l'étudie donc!

Du coup, je me sens obligée de rajouter que je n'ai pas suffisamment insisté sur le thème essentiel de cette fable, qui est avant tout les méfaits et aberrations de la rumeur.

D'autant que d'une seule phrase (Et je sais même sur ce fait bon nombre d'hommes qui sont femmes) l'auteur tire son épingle du jeu: Jean de La Fontaine ni ne pense, ni ne dit la même chose que les autres...

Cela dit permettez-moi justement de citer ci-dessous les remarques pertinentes (en italique) de Jules. Et par la même occasion le remercier ici encore pour ces échanges.

Ne cherchez pas à le contacter: il m'a dit être parti déterrer Jean de La Fontaine pour discuter directement avec lui, tant il serait déçu d'apprendre que celui-ci est bel et bien misogyne.

"3 Et je sais même sur ce fait 4 Bon nombre d'hommes qui sont femmes."

Ici l'auteur détruit le cliché en disant que ce ne sont pas que les femmes qui sont incapables de tenir un secret: des hommes aussi. "Bon nombre" est à comprendre comme: "quasiment tous" et fait par association d'idées un parallèle avec les femmes qui sont "quasiment toutes" incapables de tenir leur langue (donc autant de femmes que d'hommes).

Bien sûr, on peut dire que cette phrase est unique dans la fable et la dénonciation de cette idée est peu présente. Mais elle y est placée en tout début de fable afin de lui octroyer une grande importance: c'est l'idée que transmet l'auteur et qui doit nous rester à l'esprit pendant la lecture. La suite n'est qu'une "histoire" inventée dans le but de divertir le lecteur, dans la tradition des fabliaux.

 

"Allez hop! pour une fois la morale n'est pas à la fin: on sait donc déjà de quoi Jean de la Fontaine va nous parler cette fois-ci! Pas de corbeau ni d'agneau mais semble-t-il, d'un animal aussi bête (?): les femmes."

-> vous faites ici le constat de l'absence d'animaux dans la fable et en tirez la conclusion que la femme est pour l'auteur l'égale d'un animal... Trait d'humour ou bien est-ce que vous pensiez au moment de l'écriture qu'il s'agissait de la seule fable sans animaux de La Fontaine? ("La Mort et le bûcheron" ne possède pas d'animaux par exemple)

 

"Le test aurait pu être simple: on confie un secret plausible à une femme et hop! on vérifie à la fin de la journée. Mais non, il nous faut en plus de l'absurde! Car non seulement la femme ne gardera pas le secret bien longtemps mais en plus "neuve sur ce cas et sur mainte autre affaire" elle croit n'importe quoi. Et hélas, oser avancer que c'est parce qu'elle a une totale confiance en son mari ne sauve pas du tout la mise... "peu fine" l'épouse.."

-> j'ai pensé que vous deviez être en état d'énervement lorsque vous avez écrit cela . Moi, quand je lis "neuve sur ce cas et sur mainte autre affaire", je vois le manque de connaissance de la femme (ici en biologie) et donc son manque d'instruction -> il s'agit pour moi d'une dénonciation de la place de la femme en société (Au XVIIe, les femmes n'étaient que peu instruites).

 

"Ah tiens? La femme peut-être battue par son mari.. Mais là n'est pas notre propos: détail, passons! Le mot est là peut être pour la rime?"

-> c'est ici que j'ai commencé à me questionner vraiment: de l'humour encore et toujours ou bien incompréhension totale? J'y vois encore une dénonciation évidente du statut de la femme!

 

"Ah Monsieur de La Fontaine! Chapeau bas! quel talent que de faire dire à cette voisine, une phrase qui de par son ambiguïté rassure la femme du pondeur là où elle devrait s'inquiéter et où tout laisse présager le pire!"

-> ces phrases ambiguës sensées rassurer n'ont pris leur sens inquiétant que bien plus tard, avec la popularisation des médias (que ce soient les livres, le cinéma ou autre). Il fut un temps où tout le monde ne disposait pas d'une éducation suffisante pour faire preuve d'une telle finesse d'analyse et donc de pouvoir comprendre cette ironie. Nous lisons cette phrase avec un ton ironique: nous, lecteurs modernes, devinons qu'elle va tout répéter dès que l'occasion se présentera -> la femme ne pouvait pas le deviner -> manque d'éducation -> statut de la femme.

 

Concernant le dernier vers, je n'y vois qu'un procédé comique de l'auteur.

 

Bien sûr, tout ceci n'est que mon point de vue et il est discutable: je ne suis pas un maître dans le domaine de l'analyse littéraire (loin de là) mais je me devais de vous répondre.

 

Mais qui a raison? Je vais de ce pas déterrer l'auteur.

Amicalement, Jules"

 

Bien vu Jules: j'ai beaucoup d'humour !

et tout comme vous je ne suis pas un maître dans le domaine de l'analyse littéraire (loin de là)

Pour ceux que ça passionne, ou qui rament vraiment pour leur dissertation, je maintiens toutefois que cette fable sur la rumeur aurait pu prendre une toute autre tournure si La Fontaine avait choisi des animaux: j'y aurais bien vu des poules dans un poulailler par exemple (pas vous?...)

Et qu'effectivement Jean de La Fontaine a écrit (voire même s'est plutôt inspiré d'autres auteurs) d'autres fables avec des humains comme celle-ci:

La femme noyée

Je ne suis pas de ceux qui disent : « Ce n’est rien :
C’est une femme qui se noie. »
Je dis que c’est beaucoup ; et ce sexe vaut bien
Que nous le regrettions, puisqu’il fait notre joie.
Ce que j’avance ici n’est point hors de propos,
Puisqu’il s’agit en cette fable,
D’une femme qui dans les flots
Avait fini ses jours par un sort déplorable.
Son époux en cherchait le corps,
Pour lui rendre, en cette aventure,
Les honneurs de la sépulture.
Il arriva que sur les bords
Du fleuve auteur de sa disgrâce,
Des gens se promenaient ignorant l’accident.
Ce mari donc leur demandant
S’ils n’avaient de sa femme aperçu nulle trace :
« Nulle, reprit l’un d’eux ; mais cherchez-la plus bas ;
Suivez le fil de la rivière. »
Un autre repartit : « Non, ne le suivez pas ;
Rebroussez plutôt en arrière :
Quelle que soit la pente et l’inclination
Dont l’eau par sa course l’emporte,
L’esprit de contradiction
L’aura fait flotter d’autre sorte. »
Cet homme se raillait assez hors de saison.
Quant à l’humeur contredisante,
Je ne sais s’il avait raison ;
Mais que cette humeur soit ou non
Le défaut du sexe et sa pente,
Quiconque avec elle naîtra
Sans faute avec elle mourra,
Et jusqu’au bout contredira,
Et, s’il peut, encor par-delà.

 

Et ça ce n'est pas moi qui le dit:

La Fontaine s’inspire d’un histoire racontée par Verdizotti (« D’un Mari qui  cherchait en sens contraire sa Femme noyée » mais qui existe aussi chez  Marie de France (« Ysopets », 96) ou chez Faerne. C’est un conte misogyne mais aussi ironique. Mais - voyez la fin de la fable - La Fontaine  réussit avec esprit à dégager sa responsabilité ."

La Fontaine réussit ici à critiquer la nature féminine sans jamais passer pour un misogyne.  Il s’exprime comme un galant homme du 17esiècle et obtient ainsi les faveurs du public féminin qui voit dans sa fable plus une défense qu’une attaque. En effet, la morale, universelle, dit qu’une personne (homme ou femme) née déraisonnable le restera. Il n’adopte jamais une position compromettante.

La Fontaine apparait toujours dans ses fables comme un honnête homme inscrit dans l’esthétique et la morale de son siècle même si ses Fables sont toujours d’actualité. La Fontaine, lorsqu’il n’utilise pas son bestiaire habituel, aborde des défauts correspondants à des passions touchant l’esprit humain. Son but étant de montrer le caractère incurable de ces maux ce qui va à l’encontre du but cathartique du théâtre classique."

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